Le 23 place Victor Hugo ou le voyage du goût
À l’ombre de la canopée, sous la chaleur moite des tropiques, c’est tout d’abord la récolte des cabosses arrivées à maturité et uniquement ces dernières. Elles renferment une grappe de petits lobes de chair blanche appelée mucilage, légèrement sucré au goût de litchis et de jus d’orange. Au centre, un noyau : la fève de cacao déjà très amère, sans arôme, portant cependant les précurseurs aromatiques (signatures du sol et de la variété botanique de la plante) qui ne se révéleront que par les actions des hommes de la grande famille du cacao. Le transport des cabosses du verger à l’hacienda se fait encore de nos jours à dos d’homme, de mule, d’âne ou plus rarement en pirogue grâce au courage de femmes et d’hommes d’une incroyable ténacité pour ce travail harassant. Les cabosses de cacao sont ouvertes à l’aide d’un gourdin, travail au combien délicat car il ne faut pas entailler les précieuses graines. Les planteurs retirent la grappe de mucilage, remplissent le bac de fermentation des graines et le couvrent de feuilles de bananiers. Le cacao va alors subir deux fermentations, la première alcoolique et la seconde acétique : le mucilage va fondre, les graines de cacao vont gagner en notes chocolatées sous l’action de l’alcool et de l’acide acétique, créant ainsi suivant les terroirs, des notes fruitées ou végétales, l’amertume diminue nettement. Trois jours plus tard, les fèves sont étalées sur des planches, sous le soleil des tropiques, les planteurs dansent pour les remuer, l’humidité doit quasiment disparaître, le cacao sèche sous l’astre sacré et les tanins vont s’atténuer. Cependant même à ce stade avancé, rien n’est acquis, les pluies tropicales pourraient venir tout détruire ! Aussi les planteurs veillent inlassablement, ils rentrent et sortent la récolte au gré du climat, les arômes se développent lentement. Sous le feu du torréfacteur, le travail des planteurs va pouvoir enfin se révéler, laissant apparaître des arômes de grillé, de gâteau au chocolat, de caramel, de café, d’amandes... le goût du cacao est si complexe et si profond. Le broyage de la fève en une pâte, la liqueur de cacao, provoque en bouche une explosion aromatique, libérant les saveurs amères, acides, astringentes. Le conchage, tel le roulis de la mer sur les galets, va arrondir les facettes des particules de cacao et de sucre. Nous voici enfin en présence de chocolat, le chocolatier, tel un équilibriste jouant avec les saveurs, a fait naître un arc-en-ciel d’arômes. Le conchage peut durer de 30 à 70 heures, rendant le chocolat plus onctueux, mais il faut être vigilant pour ne pas perdre l’arôme volatil du chocolat et du terroir qui caractérise le cacao. Nous vous laissons continuer ce voyage et vous souhaitons une excellente dégustation !
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